Ca repartait donc d'ici.
Son début de vie ayant été une succession de souffrance, de débauche et de trahisons, il fallait que ça recommence, et c'est ici qu'il allait prendre un nouveau départ.
Il se trouvait devant un bâtiment de bonne taille, sans pour autant être luxueux ; il était sûr de pouvoir s'y sentir chez soi, car l'appartement était à son image : désespéré à force d'être rejeté, attendant de tout son coeur quelqu'un qui le comprendrait.
Il avait quitté les refuges du camp des libérés quatre jours plus tôt, espérant trouver de quoi survivre dans la grande ville esclavagiste. Il avait fui les quartiers de son enfance, qui lui injectaient de mauvais souvenirs aussi amers que la mort. Rien que d'y penser, son coeur s'accélérait pour battre à une vitesse folle, et dans ces moments là, Kama pouvait à peine bouger.
Il rejeta rapidement les souvenirs néfastes et s'approcha de l'entrée, pour se changer les idées. Il traversa la route, en remarquant que très peu de voitures l'occupaient. Beaucoup de piétons, moins de risques, se disait-il. Il arriva rapidement devant une porte en bois un peu vieillie ; à l'intérieur se trouvait certainement le propriétaire.
Il frappa trois coups distincts, et comme il l'avait supposé, son vendeur vint lui ouvrir. Il l'accueillit avec un grand sourire qui voulait apparemment dire "merci d'être le malheureux acheteur qui achète ce débris", et l'invita à entrer d'une voix impatiente.
C'est ce que fit Kama, et il trouva l’appartement comme il l’avait demandé. Ils entrèrent rapidement dans le salon, et le vendeur s’assit devant l’hybride. En parlant d’hybride, l’homme ne semblait pas tenir compte des anomalies présentes chez Kama.
*Bah, au moins pour les achats, je n’aurai pas de problèmes* pensa-t-il.
Ils passèrent cinq minutes à feuilleter les pages d’un contrat, pour en venir à la signature. Kama procéda, et l’ancien propriétaire poussa un soupir de soulagement.
« Pourquoi êtes-vous si content de quitter cette maison ? » demanda Kama.
« Oh.. pour rien. Mon gars, vous allez vous trimballer un appartement hanté ! Depuis que je suis ici, pas une nuit je n’ai oublié le tintement des chaînes dans l’autre salle.. Cette maison est le diable, du moins elle lui a servi. Mais ce n’est plus mon problème. Au revoir ! »
Il avait prononcé la dernière phrase alors qu’il se levait. Il quitta l’appartement en ricanant, et Kama n’était que trop heureux de son départ.
Il prit un temps pour inspecter plus en détail les pièces ; la salle de bain était correcte ; il avait demandé une immense baignoire, en vue des prochains esclaves. Ce mot lui brûlait la langue, mais il fallait qu’il laisse son ancienne vie derrière lui.
La cuisine était plutôt grande, et tous les appareils étaient en place. Mieux : Kama commençait à aimer le style mystérieux de cet appartement.
Maintenant, c’était le moment. Tout de suite.
Il retourna vers la sortie, sortit, ferma l’appartement à l’aide de clefs un peu vieilles, puis commença à marcher. Il pensa qu’en faisant ce qu’il allait faire, il tirait définitivement un trait sur le reste.
[Vers : La réserve d’esclaves]